Cette page est à lire un peu comme un dossier judiciaire, avec ses
indices et ses preuves.
Aucun compte-rendu détaillé de ce voyage ne m'a jamais été fait.
Son récit repose donc partiellement sur des hypothèses.
A vous de voir si vous tirez les mêmes conclusions que moi.
1) Le passeport de ma mère et ses visas.
Intérêt
C'est la pièce la plus fiable. Les visas donnent, sauf exceptions, des
dates complètes et des lieux précis. Limites
Par contre, ils n'indiquent pas si elle voyageait seule ou accompagnée
de mon père.
De plus, seules trois localités sont mentionnées -- Oujda, Gao, Abidjan/Port-Bouet
-- , celles où le passeport a été visé.
Pages 1 à 5
Ce ne sont pas les plus utiles mais elles présenent néanmoins un
intérêt anecdotique.
Transcription de la page 4. (la page 5 ne comporte aucune
mention).
Ce
passeport
expire
le 13 décembre 1950 sauf
renouvellement délivré à Paris Date, le 14 décembre 1948 Signature et
cachet
de l'autorité qui a délivré le passeport. Direction de la
Police Générale / Préfecture de Police / 2 9 22 / Le préfet de
Police
(+ signature)
Pages 6 à 9 - Visas
6/7
Transcription de la page 7
Les 3 premiers cachets concernent le premier voyage en Afrique de ma
mère et sont traités dans un article séparé. Pour mémoire ==>
-
cachet de sortie d'Orly, le 30 décembre 1948 - cachet de départ de l'aéroport
de Dakar, non daté - cachet d'entrée à Orly, le 20
mars 1949
Les deux suivants concernent bien le deuxième voyage
- Cachet
d'entrée au Maroc par la gare d'Oujda, le 21 octobre 1949
- Mention en rouge "ne peut occuper au Maroc un emploi salarié" - non
daté.
8/9
Transcription page 8
-
Cachet de sortie de la gare d'Oujda, le 10 novembre 1949. - Mention "vu au passage à Gao,
le 13 décembre 1949" et cachet du Commissariat de GAO.
Transcription page 9
- Cachet d'entrée à Port-Bouet, au
bureau d'émigration-immigration, le 14 janvier 1950, signalant
l'arrivée à bord du Brazza (Chargeurs Réunis) , venant de Lomé
Précisions / Explications sur les visas.
On a trois cas différents, selon le statut du pays par rapport à la
métropole.
1) L'Algérie - départements français à cette
époque. On peut y passer, ou même y rester, sans faire contôler son
passeport.
2) Soudan Français(Mali)
, Niger,
Dahomey
(Bénin), Côte
d'Ivoire : colonies
françaises. Le passeport peut y être visé. Cependant, sur ce passeport,
aucun cachet ne fut apposé ni au Niger ni au Dahomey. Peut-être le
contrôle n'était-il pas systématique ?
A Gao, comme à Port-Bouet, la mention convenue est "vu au passage......"/ "vu à l'arrivée.....". Comme à Dakar,
lors du premier voyage. Il y a donc une certaine logique.
A Port-Bouet, ma mère passe manifestement devant un officier
d'immigration, signe (probable) que cette arrivée marque la fin
programmée de son voyage.
3) Le Maroc - Il s'agit,
en 1949, d'un protectorat.
On peut supposer qu'on y applique les mêmes règles douanières que dans
un pays étranger indépendant.
D'où la présence de cachets douaniers officiels à Oujda-Gare.
2) Documents photographiques privés.
Il s'agit
- d'une carte postale comportant, au verso, la deuxième moitié d'une
lettre.
- de 5 photos prises au Sahara, comportant, au verso, le lieu et
le jour et le mois
(mais pas l'année)
- de deux autres photos, sur l'Océan Atlantique, l'une avec indication
de lieu et de date,
l'autre sans aucune indication.
Carte postale de Colomb-Béchar.
Recto
Verso
Reconstitution
du texte :
NB : ce texte commence vraisemblablement ailleurs, sur du
papier libre ou sur une autre carte postale.
...remise de
son
intoxication. Tu as dû être très inquiète et nous avons eu de la peine
de savoir que notre petit pigeon a été malade, elle a dû la trouver
mauvaise d'être 3 jours à l'eau sucrée. Enfin
maintenant elle
doit se rattraper. Nous lui
faisons des
milliers de grosses bises et pour toi avec tous nos remerciement pour
les bons soins que tu donnes à notre poupée. nos baisers
les plus
affectueux. + signature : nenet (?)
Nenette était le surnom donnée
à ma mère depuis sa plus tendre enfance.
Intérêt
La localité est inscrite au recto.
Le texte au verso évoque une petite fille qui est manifestement sous la
garde de la destinataire.
Les genres et les nombres grammaticaux sont clairs : l'enfant est de
sexe féminin (remise, poupée),
la destinataire
également (inquiète), et les
expéditeurs sont pluriels (nous) Limites
Le début du texte manque. Il n'y a pas de timbre, il doit être sur
l'enveloppe avec le reste du texte. Donc, pas de date.
Les photos du désert.
Photo "Kerzaz"
Recto
NB : Le personnage sur la photo est ma
mère, Adrienne Ibos.
Elle a toujours conservé le manteau qu'elle porte ici.
Verso
Guerzim 8/12 Kerzaz Piste du plateau
Tademaït
Photo "Adrar"
Recto
Verso
ADRAR - Sahara 9/12 Bordj militaire
Photo "Batli" (orthographe et localisation incertaines).
Recto
NB : La personne sur la photo est mon
père.
Verso
Bath(?) - 9/12 Village berbère et arabe (Pays des esclaves)
Photo "Ouallen"
Il s'agit du post Weygand, situé à la
borne 250. La personne est peut-être ma mère.
Voici d'autres camions de la CGT semblables à celui-ci (merci
Oliverboul du forum-auto, la première photo est une
maquette qu'il a réalisée) ==> CLIC1CLIC2CLIC3
Intérêt
On voit ma mère sur la photo de Kerzaz et mon père sur la photo de
Bath(ortho?).
Les jours et mois sont compatibles avec un passage à Gao le 13 décembre
(cf. passeport).
Ces 5 photos ont une apparence et un format identiques et une vétusté
similaire, signe qu'elles ont été développées à partir de la même
pellicule.
L'écriture, la plume et l'encre semblent les mêmes.
Limites
L'année n'est pas indiquée. Du coup, on peut imaginer que ces photos n'aient pas été prises en 1949
..... même si cela paraît très peu vraisemblable quand on connaît le reste de l'histoire de mes parents. ==>
- En décembre 1950, installés à Abidjan depuis presque un an, ils
étaient en proie à d'importantes difficultés financières et un tel
voyage, uniquement pour l'agrément, est assez impensable.
- En décembre 1951, il existe des photos d'eux prises à Abidjan. D'ailleurs, j'étais né et j'avais à peine 3 semaines.
- Pareil en 1952 pour des raisons similaires aux deux cas précédents..
- En décembre 1953, je n'étais effectivement plus avec eux mais avec ma
sœur et ma grand-mère à Talence. Cependant, sur la carte postale de
Béchar, il n'est question que d'une petite fille.
Limite : aucune indication au verso. Intérêt : format et apparence
identiques à la précédente.
Ces deux dernières photos doivent être extraites d'une pellicule
différente que celles du désert. Leur taille est très légèrement
supérieure.
87km ligne d'Oran à Casablanca :
deux trains express par jour en 2h env. L'itinéraire est assez voisin de
celui de la route. Le change, le visa des passeports et la visite de la
douane s'effectuent en gare d'Oujda.
2) et aussi ce document vidéographique, datant du régime de Vichy.
Source : Institut National de l'Audiovisuel.
NB: La ligne, qui devait traverser l'Afrique du nord
au sud, n'a jamais
été achevée et n'a jamais dépassé Béchar. Voir le lien Wiki.
b) Pour la partie Béchar-Adrar, un extrait de vidéo relatif
au Rally des véhicules Renault Paris-Le Cap en février 1951.
A 5:51, on voit un car de la Compagnie Générale Transsaharienne portant
le numéro 1001. A comparer avec celui de la photo "Ouallen" supra, qui
porte le numéro 1003. Néanmoins, ce n'est pas le même modèle. Celui-ci
est un véritable car, le mien est un mixte de camion et de car.
La carte ci-dessous permet de visualiser le trajet et les étapes
évoqués dans cette vidéo.
c) Pour les bordjs situés sur la route. Cliquez
sur ce lien puis cliquer sur le nom d'un des forts ou bordjs situés
le long de la route impériale : Bordj
Estienne à Reggane,
Poste Weygand près de Ouallen,
Poste Cortier à Bidon V, Bordj le Prieur à la frontière du Mali.
Source : Forts et Bordjs du Sahara Algérien.
d) Pour l'histoire de la route transsaharienne et, plus
particulièrement, celle de la Compagnie
Générale Transsaharienne (CGT), qui empruntait la route suivie
par mes
parents. C'est l'un de leurs camions qui figure sur la
photo "Ouallen".
Je fais l'hypothèse qu'ils ont utilisé les services de cette compagnie.
Mais je ne peux en être certain car, sur ma photo, le camion ne porte
aucune inscription mentionnant le nom de la société ni les étapes
principales.
Beaucoup d'excellentes infos sur cette page que je vous recommande,
notamment un indicateur horaire de la SATT dans les années 30, qui est
une bonne source d'inspiration pour estimer les durées d'étapes et
moyennes horaires vers 1949. On s'aperçoit ainsi que certaines étapes
pouvaient durer jusqu'à 16 heures....mais certainement avec des pauses
longues et/ou nombreuses. On voit également que la moyenne horaire --
pauses comprises, néanmoins -- oscille entre 30 et 40 km/h.
Egalement, une présentation cartographique
des deux pistse impériales, celle du Tanezrouft -- dont
nous parlons ici --, utilisée par la CGT et celle du Hoggar, utilisée
par la SATT.
Sont surlignées en jaune les localités
correspondant aux photos privées affichées plus haut.
Au sud de Bidon V et Le Prieur, on franchit la frontière du Soudan
Français (Mali) en direction de Gao.
e) Pour les modalités du débarquement à Port-Bouet à
l'époque de ce voyage. (wharf, grue, panier/corbeille, train).
L’embarquement
eut lieu au wharf de Port-Bouet.
Avec une première épreuve : celle de la corbeille au bout du
wharf, à une centaine de mètres au milieu de la mer. Elle déposait les
enfants dans une barque qui les conduisait ensuite au bas du navire
arrêté plus loin en pleine mer. Là, ils étaient remontés les uns après
les autres dans une autre corbeille sur le navire
C'est cette même procédure qui permit à mes parents -- ou, au moins, à
ma mère? -- d'embarquer à Cotonou et la procédure inverse d'être déposés
sur le wharf de Port-Bouet.
Le trajet complet
Sur la carte ci-dessus, les tracés en
bleu sont maritimes, en vert
ferroviaires et en rouge routiers.
Description du trajet.
Bateau (bleu)
de Marseille à Oran (octobre 49)
Train (vert)
Ligne Oran-Casablanca.
Arrêt et douane à Oujda (21 octobre 49)
Séjour de trois semaines à Oujda.
Ligne Merniger
de Oujda à
Colomb-Béchar (10 novembre 49)
Séjour à Colomb-Béchar (du 10/11 au 7 ou 8/12)
Camion transsaharien (rouge) Camion de la CGT à Béchar le 7 ou le 8 décembre
Arrêt -- et hébergement ? -- à Kerzaz le 8/12
Etape Kerzaz-Reggane, le 9/12 avec arrêt à Adrar
et à Bath (ortho?)
Etape Reggane-Bidon V, le 10/12 avec passage au poste
Weygand - Borne
250.
Hébergement à Bidon V au soir du 10/12
Bidon V - Gao entre le 11 et le 13 décembre --
avec
un ou deux jours de
pause ?
Gao-Niamey à partir du 13 décembre
Camion ou autre (rouge)
Niamey-Cotonou Séjour à Cotonou jusque vers le 11 janvier 1950.
Embarquement par le wharf de Cotonou sur le S/S Brazza.
Bateau (bleu) Cotonou - Abidjan avec escale à Lomé sur le
Brazza.
Débarquement sur le wharf de Port-Bouet
Train jusqu'à Abidjan centre.
Images
Oujda (Maroc)
Gare d'Oujda
Cette gare a remplacé une autre plus ancienne mais, en 1949, celle que vous voyez ici était déjà là depuis quelques années.
Béchar (Algérie)
Béchar - Jardin public
On notera, sur les deux photos, la présence d'un "marabout" (tombeau
à coupole - CLIC), avec cette différence que, sur celui-ci,
le sommet de la couple ne présente pas d'ornement particulier alors que
sur la carte postale, il est surmonté du croissant et de l'étoile. Il
semble bien, néanmoins, qu'il s'agit bien du même lieu. Entre ma photo plus haut et celle-ci, je ne sais pas
laquelle précède l'autre. Soit les ornements sommitaux ont été enlevés, soit ils
ont été ajoutés.
Kerzaz sur photos anciennes : vue depuis l'hôtel / Vue de l'hôtel
De
toute évidence, les deux dernières photos représentent le même hôtel
que celui de la photo personnelle Sur celle de droite, il
s'agit du même
perron, vu de plus loin. On aperçoit également, en arrière-plan à gauche, les coupoles que l'on retrouve sur la photo de 1964.
Adrar (Algérie)
Adrar - Vue générale les fougaras, au fond le bordj militaire
(légende de l'internaute qui a mis cette photo en ligne)
Adrar - place, vue du Bordj
Adrar - bordj et fougaras.
Explication bordj
==> http://fr.wikipedia.org/wiki/Bordj
Les bordjs au Maghreb, à cette époque, était utilisés (voire
construits?) par l'armée française d'occupation.
Au premier plan, on aperçoit ce qui doit être des "fougaras"
Les fougaras
sont des systèmes d'irrigation. Ce que l'on voit sur la photo, ce sont
des "regards" permettant, je suppose, de vérifier la présence de l'eau
et/ou d'évaluer son niveau.
Voir ici
Reggane (Algérie)
C'est ici que se trouve le bordj "René Estienne", utilisé comme
hébergement par la Compagnie Générale Transsaharienne. Voici deux
photos provenants du site Forts et Bjords du Sahara Algérien.
A partir de Reggane, commence le Tanezrouft,. dont la simple évocation faisait naître la crainte et dont bien des imprudents ont apprécié la cruauté.
Balise 250 - Poste Weygand (Algérie)
Le poste Weygand en 1958. A gauche, le panneau un peu rudimentaire qui
figure sur ma photo.
Bidon V - Poste Maurice Cortier (Algérie)
Sur la route
transsaharienne, c'était un des derniers arrêts avant la frontière du
"Soudan français" (Mali). Un explorateur avait placé de
gros bidons pour servir de repères. Celui-ci était le
cinquième, d'où son nom populaire de "Bidon V".
Note : la deuxième photo ressemble bien à celle que
j'ai.
Gao (Soudan Français)
Hôtel
de la Compagnie Générale Transsaharienne
Hôtel
l'Atlantide.
(séjour de mes parents vers le 12/12/49?)
La terrasse d'où a été prise ma photo pourrait être la quatrième en partant de la gauche à l'étage supérieur.
Le Brazza
..
Pardon pour l'anachronisme : sur cette photo, il est dans le canal de Vridi à Abidjan, canal ouvert à la ciruclation en 1951.
Il aurait fallu le montrer au large du wharf de Port-Bouet mais je n'ai pas trouvé un tel cliché.
Port-Bouet / Abidjan
Emplacement approximatif de l'ancien wharf de Port-Bouet, détruit après
l'ouverture du canal de Vridi et la mise en service du port en 1951.
Aujourd'hui, le quartier qui se trouve aux alentours est appelé
"Port-Bouet Derrière Wharf". Il a d'ailleurs subi de sévères
inondations en décembre 2011 à cause de la montée de la mer.
Le wharf de Port-Bouet
.
Une grue installée sur le paquebot charrait une corbeille
dans laquelle s'installaient inconfortablement les passagers. Elle les
déposait sur une petite embarcation qui rejoignait le wharf. Ensuite,
une autre grue installée sur la plateforme terminale les en débarquait
pour les déposer sur le wharf. (cf. Les Compagnons de l'Aventure, plus
haut).
Ce système représentait déjà un progrès par rapport à celui pratiqué au
début du siècle où n'existaient que des rades foraines, avec des
passagers débarqués dans des pirogues qui devaient passer la fameuse
"barre".pour les acheminer jusqu'à la plage. Certains y ont laissé la vie.
Train-navette circulant sur le wharf. On paerçoit, tout au fond, les
grues destinées à charrier les paniers/corbeilles..
Le train reliait le wharf de Port-Bouet à la ville d'Abidjan, troisième
capitale en date de la Cöte d'Ivoire depuis 1933, après Bassam et
Bingerville.
Ce train rejoignait Abidjan-Plateau en passant par Treichville, grâce
au pont
flottant construit sur la lagune Ebrié en 1931.
Ce pont sera remplacé vers 1957 par le pont Houphouët-Boigny.